La petite histoire veut que Philippe-Henri Ledru soit venu à la peinture suite à une hospitalisation qui l'immobilisa durablement. Ayant toujours nourri un intérêt particulier pour les arts plastiques, notamment pour avoir travaillé à la DOCUMENTA de Kassel dans les annés 70 et 80 et organisé de grandes expositions au Palais des Congrès et de la Culture du Mans (Grau-Garriga, Hagebölling,Fontcuberta, Tom Drahos, Guy Houdoin, Vera Szekely...), il commence par réaliser quelques productions de petites tailles sous formes d'écritures automatiques qui sont immédiatement appréciées par son entourage proche.
Très vite une vraie collection voit le jour. Dans la foulée, au début des années 80, il réalise ses premières expositions au Mans, et à Angers où il obtient un premier Prix. Depuis,
Philippe-Henri Ledru a poursuivit une trajectoire personnelle, ne se revendiquant d'aucun mouvement ou filiation artistique précise.
Ainsi se dégagent deux périodes distinctes : une première, abstraite, lyrique où la gestuelle domine ; une seconde, après une interruption d'une dizaine d'années, alternant des
non-figurations« décoratives », basées sur la répétition de motifs colorés inspirées des cultures visitées avec une peinture figurative emprunte de naïveté, intrinsèquement liée à tous ses
voyages.
Les points communs sont toutefois indéniables, des "changements dans la continuité" comme, l'emploi de la couleur, l'attirance par le grain du papier, le traitement de l'espace ...
Un lyrisme abstrait
Qu'ils soient sur toile ou sur papiers, les premiers travaux de Philippe-Henri Ledru, ne tiennent pas de discours précis. Seul le geste semble l'emporter. L'agitation du pinceau, du fusain ou des pastels envahit en quelques lignes et frottis l'espace du tableau.
Telle une écriture automatique, les traits rappellent des bribes de lettres, mais aussi l'ébauche de signes calligraphiques orientalisant. Dans d'autres tableaux, Ledru pousse plus loin la connotation et s'invente des signes venus du Maghreb, d'Afrique ou de l'Orient.
Le sujet n'est pas le sens réel que pourrait délivrer ces signes, mais là encore, la satisfaction d'un geste autonome, d'un sens qui surgirait fortuitement.
Perceptible également, cette volonté d'impulser du rythme, un mouvement, un écho musical plastique, comme un écho à Vassily Kandisnky, cet expressioniste allemand, cher au ccoeur de l'artiste.
Dimension lyrique aussi dans peintures toujpours réalisées... sur fond d'opéras baroques. Lyrisme du geste, composition échevelée, éclatements de lignes et de formes qui envahissent tout le support, comme un débordement.
Cette occupation graphique de l'espace n'est pas sans rappeler les toiles de Georges Mathieu, l'un des fondateurs de l'Abstraction lyrique en France.
Au cours de cette période, les gammes colorées demeurent principalement dans des tons pastels, légèrement salis ou acidulés. Cependant quelques travaux préfigurrent déjà la période suivante qui
affichera sans complexes des couleurs plus violentes, voire fluorescentes avec des rapports colorés fort contrastés.
Le sentiment de reproduire toujours la même chose. Une vie aussi au ralenti mais avec pas mal de nids de poule sur le chemin, des "clients" qui veulent une oeuvre pas trop grande mais pas trop petite non plus pour aller entre le buffet et l'étagère, avec beaucoup de vert et de rouge à cause des rideaux, mais surtout pas de noir parce que ça fait trop triste...
Et puis entretemps le mur de Berlin est tombé, besoin de parler de l'Allemagne commence une intense activité de traducteur pour une bonne dizaine d'années jusqu'à ce que le voyageur se réveille à nouveau pour reprendre les pinceaux.
Un psychédélisme raisonné
Le point commun avec les premiers travaux ne réside ni dans le choix des motifs représentés (on quitte les signes d'une écriture inventée) ; ni dans le choix des gammes chromatiques, mais dans la continuité d'un envahissement du support.
Tous ces tableaux sont réalisés sur papier, support de prédilection dans la veine lyrique, avec de la peinture acrylique.
Un enchevêtrement de motifs remplit la feuille jusqu'à saturation. Les formes à la géométrie variable, s'emboîtent et se multiplient entre elles, tels des poupées gigognes. Un cerne noir vient
border leurs contours. A l'intérieur de ces accumulations de formes, les couleurs vives et saturées sont posées en aplats. Il naît de l'ensemble un effet optique hypnotique accentué par les
contrastes violents des couleurs allant jusqu'à des teintes fluorescentes.
Philippe-Henri Ledru pose côte à côte, sans hiérarchisation des roses fuchsia et des verts pistache, des orangers phosphorescents et des bleus cyan directement sortis du tube. La succession des
tableaux engendre comme une rémanence rétinienne que nous déplaçons d'une image à l'autre, rappelant les effets psychédéliques du Pop art des années 60/70.
A bien y regarder, d'autres références viennent à l'esprit devant ses travaux. L'imbrication du dessin, le cerne noir, les couleurs vives et saturées forment un mur de motifs que l'on retrouve
également dans les pratiques du Street art à travers le graff.
Certains de ceux-ci explorent un registre plus abstrait, déformant les codes de l'écriture jusqu'à obtenir des jeux purement visuels. La lecture s'efface au profit des formes et des couleurs.Il faut rappeler que l'artiste a séjourné à Berlin où le graffiti est un moyen d'expression urbaine omniprésent.
On renoue finalement à travers les travaux de cetteséconde période, avec le thème obcessionnel de l'écriture. Mais ici, elle prend un aspect purement «décoratif ». On pense également dans l'agencement des formes, comme cousues côte à côte aux patterns venus du monde entier que l'on retrouve sur les tissus, les tapis, ou encore les habitations...
Une peinture figurative naïve
Les autres travaux actuels s'insirent des flâneries de l'artiste dans les cinq continnts et à leurs différentes cultures rencontrées à travers le monde.
Las de répéter les mêmes procédés visuels qui lui ont pourtant valu un vrai succès, il décide de retourner aux sources. Il repart en voyage armé d'un appareil photographique. Ses différents postes dont celui de Directeur des relations et de la coopération internationale au Conseil Général de la Gironde, mais srtout ses voyages personnels, l'emmènent vers de nouveaux horizons.
A chaque nouvelle destination il constitue une série de clichés qui lui serviront par la suite de mémoire visuelle. Après un temps de décantation, il replonge dans ses souvenirs et commence par
réaliser un montage à partir de toutes les images recueillies en amont.
Puis il confectionne un dessin très simple au crayon de papier. Vient ensuite la mise en couleur des différents éléments représentés. Le résultat est proche d'une esthétique naïve comme en Art
brut ; par la technique du dessin (pas d'effets de perspective, ni d'ombre ou de lumière, pas de rapport de proportions entres les différentes parties des images), mais aussi par la pose des
couleurs en aplats. Les formes sont toutes cernées de noir encore, renforçant un aspect graphique, proche des codes de la bande dessinée.
Les outils sont simples : une feuille de papier au grammage épais, le plus souvent en format raisin (50 x 65 cm), de la gouache, ou de l'acrylique, des feutres pour les contours, les petits
détails, ou les inscriptions.
Philippe-Henri Ledru définit ce travail comme une pratique quotidienne du « coin de table ». Il peint jour après jour ces « tableaux drapeaux », qu'il conçoit comme des « concentrés » de
pays avec leurs originalités, mais aussi leurs clichés incontournables. On retrouve cet intérêt pour le cliché à travers sa collection de drapeaux, d'armoiries qu'il rapporte de chaque
destinationl. Bien entendu, avec ses "cartes postales, et ici à travers cette pratique de peinture de voyage, on ne peut manquer de penser aux grands artistes voyageurs, curieux de rendre compte
d'un ailleurs, d'y découvrir d'autres coutumes, d'autres paysages, d'en traduire fébrilement la lumière, les couleurs et les parfums. Pensons aux peintres orientalistes du 19ème siècle, aux
carnets De Delacroix sur le Maroc, aux toiles d' Henri Matisse sur Alger. Toute une tradition existe entre le voyage et la pratique artistique.
Pour parfaire ses connaissances, il faut se confronter aux autres, aux grandes civilisations et à leur savoir-faire.Ces tableaux suscitent l'échange entre l'artiste et ses publics et ses collectionneurs.
Les cahiers de voyages
Cet échange, LEDRU y est depuis toujours attaché ; passeur, traducteur, artisan des relations franco-allemandes, puis européennes et enfin entre les Suds et le Nord, ces peintures de voyage certes, mais aussi ses 'carnets de route' et petits livres-objets contribuent modestement à mieux connaître le monde.
Remerciements à Cécile Berthereau pour sa contribution aux textes de cette rubrique
Le Mans, hôtel de Ville, février 2019
Bordeaux, le Potager, La Conserverie, Boulevard des potes 2017-2019
Bordeaux, Credit Mutuel - Les Chartrons 2018
Nis (Serbie), septembre 2016
Masaya, Bogota (Colombie), octobre 2015
Le Potager, Bordeaux, février 2015
Maison de l'Europe, Bordeaux, Vernissage 13 mai 2014
L'Ours Matin, Bordeaux, février 2014
Le Boulevard des Potes, Bordeaux, octobre 2014
Centre culturel du Bois Fleuri, Lormont, octobre 2014
Cloître des Recollets, Libourne, 1995
Salon Quadrata, Bordeaux, 1995
Festival SIGMA, Bordeaux, 1995
Galerie des Remparts, Le Mans, 1995
Centre culturel, Saint médard en Jalles, 1994
Le Petit Chalut, Bayonne, 1994
Hôtel de Ville de Bordeaux, 1993
Centre culturel Le Carré, Château-Gontier, 1993
Galerie L'Art vivant, Bordeaux, 1992
Le Chouca Blanc, Oloron, 1991
Espace Lillet, Podensac, 1991
Hôtel de Sèze-Conseil général de la Gironde, 1990
Salon de la Jeune Peinture, Angers, 1988
Galerie L'Electricité, Angers, 1988
Galerie Tessera, Angers 1987
Hôtel Le Felix, Le Mans, 1986